C’est une salle grise et froide, au quatrième étage du Centre Pénitentiaire de Grenoble Varces. Comme tous les mercredis matin depuis dix ans maintenant, la séance de yoga se termine. Dans le silence méditatif de fin de séance, j’ouvre les yeux. Dans la pénombre, je perçois ces huit hommes immobiles, assis sur leur coussin. Certains massifs, d’autres chétifs. Rejetés d’eux-mêmes, mais assoiffés de lumière. Le regard hébété, ils se dévisagent lentement, en attention les uns aux autres, en respiration avec eux-mêmes. Ils viennent d’arriver sur une autre planète. Ils ne savaient pas que c’était possible, alors ils l’ont fait. Ils ne comprennent rien à ce qui leur arrive, comme hypnotisés par la puissance du yoga et de la danse des derviches. La peur a quitté leur visage. On dirait que toute la prison s’est convertie à l’ivresse du silence. Un petit bout d'humide me monte alors aux yeux. Ce sentiment de gratitude me reprend quand Nadir décrit l’évasion qu’il vient de vivre. Et pourtant, j’ai rien fait , assure-t-il. Oui Nadir, tu n’as rien fait. Et, le regard tourné vers l’intérieur, te voilà désormais libre de tout obstacle. Voilà, merci Nadir, je te l’avais promis, c'est fait, c’est transmis. Sois heureux. Ce livre est ton chemin, ta vérité, ta vie. Et personne ne viendra jamais te le reprendre. Om Shanti !